27 JANVIER 2019 : 75 ème ANNIVERSAIRE DE LA FIN DU BLOCUS DE STALINGRAD
L’idée semblait bonne: commémorer le 75e anniversaire de la fin du terrible blocus de Leningrad qui, de 1941 à 1944, a fait au moins 800.000 morts. Mais en décidant d’organiser dimanche un défilé militaire, les autorités ont choqué de nombreux habitants de Saint-Pétersbourg.
Les opposants au défilé, qui doit rassembler 2.500 soldats et le légendaire tank T-34 près du musée de l’Ermitage, en plein cœur de Saint-Pétersbourg, soutiennent que cet évènement est un exemple de la propagande militariste menée par les autorités sous Vladimir Poutine.
Pour eux, cette parade insulterait la mémoire de ceux qui ont vécu des horreurs indicibles lorsque Leningrad (aujourd’hui Saint-Pétersbourg) a été assiégée par les nazis pendant 872 jours entre 1941 et 1944.
«Je suis contre le militarisme», explique à l’AFP Iakov Guilinski, 84 ans, un survivant du blocus. La meilleure façon de commémorer cette épreuve serait d’observer une minute de silence, d’organiser des concerts commémoratifs mais pas de glorifier la guerre, assure-t-il. «La guerre, c’est horrible».
- «Carnaval sacrilège» -
L’ancienne capitale impériale de la Russie compte quelque 108.000 anciens combattants et survivants du siège. Alors que la ville comptait trois millions d’habitants avant la guerre, plus de 800.000 personnes avaient succombé à la faim, la maladie ou aux bombes.
Selon de nombreux historiens, ce nombre pourrait être plus élevé. Iakov Guilinski se souvient de détails macabres, comme ce camion rempli de cadavres aperçu par la fenêtre lorsqu’il n’était qu’un enfant.
«Le véhicule les récupérait dans les rues après l’hiver», raconte-t-il.
L’homme fait partie des près de 5.000 signataires d’une pétition appelant les autorités à annuler ce «carnaval sacrilège». Selon la pétition, les autorités n’ont toujours pas dressé la liste complète des morts du siège. Des milliers de militaires qui ont essayé de briser le blocus sont portés disparus et n’ont jamais été enterrés.
L’historien Viatcheslav Krassikov est aussi choqué. Pendant le siège, sa mère a dû partager un lit avec sa petite sœur, décédée, parce que leur mère était trop faible pour l’enterrer. Pour lui, organiser ces festivités militaires est similaire à faire une parade dans les camps de concentration nazis.
«Les tragédies humaines devraient être commémorées différemment», écrit-t-il dans le journal en ligne de Saint-Pétersbourg Gorod-812: «Il est étrange que ces choses simples ne soient pas claires pour certaines personnes.»
L’historien Daniel Kotsioubinski reproche lui à Joseph Staline d’avoir abandonné la ville et sacrifié la vie de milliers de soldats avec des tentatives bâclées de briser le siège.
«Organiser un défilé est avant tout immoral pour la mémoire de ceux qui ont péri», assure-t-il à l’AFP, estimant que toute commémoration du siège devrait surtout condamner les autorités de l’époque.
Dans un sondage en ligne réalisé par le site d’informations locales Fontanka auquel 3.000 personnes ont répondu, plus de 50% d’entre eux se sont opposées au défilé. Les autorités de la ville ont refusé de commenter ces résultats.
- «Rituel militaire» -
«Nous avons l’ordre de faire défiler un défilé et nous le ferons», a déclaré à l’AFP un responsable du ministère de la Défense basé à Saint-Pétersbourg sous couvert d’anonymat. «Un défilé militaire est un rituel militaire» et non un évènement festif, a-t-il insisté.
Des chars, des lance-roquettes et de véhicules d’infanterie défileront, tandis que les élèves-officiers porteront les manteaux en peau de mouton et les bottes en feutre portées par les soldats de l’époque.
«Les 'cadets' (élèves-officiers) des temps modernes se feront probablement une bonne idée de ce que représente la défense de la patrie en hiver», a ajouté ce responsable.
Et les survivants du siège ne s’opposent pas tous au défilé. «Une parade ne peut insulter personne», estime Anna Nezvanova, 80 ans, la qualifiant de «symbole» de l’esprit toujours vivant de la ville.
Selon Zinaïda Arsenieva, 84 ans, qui a vécu sous le blocus pendant deux ans, «la ville s’est battue, nous n’attendions pas passivement la mort». «C’est notre victoire commune», ajoute-t-elle.
Au-delà de ce débat, l’analyste militaire Alexandre Golts estime que le défilé illustre surtout la transformation de la Russie en un «État militariste». Le pays organise déjà trois grands défilés militaires annuels, dont le défilé principal du 9 mai et une démonstration de force navale à Saint-Pétersbourg en juillet.
Selon M. Golts, le Kremlin utilise les célébrations de la victoire de l’Union soviétique sur l’Allemagne nazie pour renforcer son statut. «Le souvenir de la tragédie nationale s’est transformé en une performance patriotique optimiste», estime-t-il.
Le siège de Léningrad est le siège de près de 900 jours imposé à la ville de Léningrad par la Wehrmacht au cours de la Seconde Guerre mondiale. Il fait partie du plan famine mis en place par les nazis pour exterminer par la faim les Soviétiques2.
Commencé le , le siège fut levé par les Soviétiques le , qui repoussèrent les Allemands malgré des pertes humaines colossales (1 800 000 victimes, dont près d'un million de civils).
Avec 872 jours, ce siège est le plus long de l'histoire moderne jusqu'à celui de Sarajevo au début des années 1990(1 425 jours).
Le , afin de rendre hommage à ceux qui par leur action militaire ou civile ont contribué à repousser les troupes allemandes, le gouvernement soviétique a instauré la médaille pour la Défense de Léningrad.
Le siège[modifier | modifier le code]
1941[modifier | modifier le code]
Siège[modifier | modifier le code]
Évacuation[modifier | modifier le code]
Avant l'invasion allemande de l'URSS, il n'y a pas de plan prévu pour l'évacuation de la population de Leningrad, car la possibilité que les Allemands atteignent la ville est considérée comme minime. Toutefois, les premières personnes évacuent Leningrad par train à partir du 29 juin, soit une semaine après le début de la guerre.
Du 29 juin au 28 août 1941, environ 490 000 personnes sont évacuées principalement par train.
À partir du 28 août, l'encerclement de la ville par les troupes allemandes ne permet plus l'évacuation par voie terrestre. L'évacuation, de 35 000 personnes, se poursuit par voie aérienne et navale à travers le lac Ladoga.
Entre décembre 1941, et le 21 janvier 1942 l'évacuation, de 36 000 personnes, continue à marche forcée et par camion, à travers le lac Ladoga gelé, dans une totale désorganisation.
Du 22 janvier au 15 avril 1942, une organisation d'évacuation est mise en place, permettant l'évacuation de 554 000 personnes principalement par la route de la vie dont les travaux sont terminés.
De mai à octobre 1942, 403 000 personnes sont évacuées, ce qui porte le nombre total à 1,5 million de personnes évacuées depuis le début du blocus.
La vie durant le siège[modifier | modifier le code]
La ville qui est encerclée depuis septembre 1941 est unie contre l'envahisseur. Des milices ont été créées, elles forment les divisions d'infanterie de la milice de Leningrad et les habitants ont largement aidé à construire les défenses de la ville.
La chute de Léningrad et de la poche d'Oranienbaum9,10 permettrait aux Allemands de mettre hors de combat une quarantaine de divisions, ainsi que la disparition d'un centre de fabrication très important d'armement. Pendant toute la durée de la guerre, ses usines de chars et ses arsenaux de munitions et de canons fonctionnèrent sans discontinuer, fournissant aux troupes de l'Armée rouge les armes nécessaires. D'autre part, la prise de Léningrad aurait libéré un grand nombre de troupes allemandes, alors que la 18e armée sera contrainte de monter la garde devant la ville jusque 1944.
A posteriori, l'insuffisance dans l'évacuation des civils apparaît comme ayant augmenté le problème de la disponibilité des vivres. Il y a donc de très nombreuses « bouches inutiles » à nourrir sur les 3 000 000 d'habitants qui se trouvent dans la ville.
Le 12 septembre, un décompte des vivres est fait :
- Blé et farine : stock pour 35 jours
- Céréales et pâtes : stock pour 30 jours
- Viande ainsi que bétail sur pied : stock pour 33 jours
- Matières grasses : stock pour 45 jours
- Sucres et conserves : stock pour 300 jours
Un rationnement est mis en place immédiatement et des cartes d'alimentation sont distribuées.
Les habitants sont confrontés à une multitude de problèmes : la nourriture est rationnée, l'électricité est coupée, les tramways cessent de fonctionner en novembre 1941, il n'y a plus de chauffage ni de lumière.
Le lac Ladoga sert de voie de ravitaillement, mais le 15 novembre, avec l'arrivée de l'hiver et de l'embâcle, les navires ne peuvent plus passer, et les camions pas encore, la glace n'étant pas assez solide pour supporter leur poids. À partir du 20 novembre 1941, le ravitaillement parviendra désormais aux Russes par convoi de traîneaux tirés par des chevaux jusque mi-avril à travers le lac gelé. On commença la construction d'une voie ferrée sur la glace en décembre 1942. Pendant l'hiver de 1942-1943, la « route de la vie », recommença à fonctionner, d'abord avec un trafic de chevaux puis les véhicules à moteur purent être utilisés à partir du 24 décembre 1942.
Mi-novembre 1941, le froid et la faim font des ravages terribles dans la population. Les rations alimentaires sont encore réduites, pour la cinquième fois depuis le début du siège. Les ouvriers et le personnel spécialisé ne perçoivent plus que 225 gde pain et 1 067 calories par jour. Les enfants 150 g de pain et 644 calories.
La terre est tellement gelée par le froid et la neige que les morts ne sont plus inhumés mais abandonnés près des cimetières, enveloppés dans des draps et généralement enterrés dans des fosses communes creusées à la dynamite. Au printemps 1942, après le dégel, on découvrira des milliers de cadavres demeurés tout l'hiver conservés sous la neige.
Le 20 novembre 11 000 civils sont déjà morts de faim.
En décembre 1941, 52 000 civils meurent de faim.
En janvier 1942, 3 500 à 4 000 civils meurent de faim quotidiennement.
D'après les chiffres officiels russes fournis au tribunal de Nuremberg, la famine causa la mort de 632 000 habitants de Léningrad. Les soldats sont nourris correctement le plus longtemps possible, mais durant les dernières semaines de l'année 1941, les rations sont à peine suffisantes.
Les Allemands sont eux-mêmes dans une situation précaire, en particulier en raison du froid et du manque de vêtements chauds.